Je suis sûre qu’il fait pas beau voir dans la tête de Jean
Claude Van Damme. C’est un sport national de se moquer de lui, même s’il se
fait rare en ce moment. Pas qu’il nous manque non plus. Il est la synthèse du
malaise des expats. Ceux qui
mélangent leur langue maternelle (le belge) et la langue anglaise. Pour ma
part, il s’est passé des choses dans ma vie qui font que maintenant, je le
comprends, je sais ce qu’il voulait dire quand il disait qu’il était
« aware ». Il ne se rappelait plus son belge. Je ne prends pas de
coke, je ne sais pas faire le grand écart et je ne sais, hélas, pas casser les
noisettes avec mes fesses, mais quelque part, on se ressemble lui et moi. Et ça
me fait mal de l’écrire.
C’est vrai qu’en décembre dernier, entre toutes les fêtes de
boulots - que je n’ai pas, mais je connais des gens qui travaillent - toutes
les excuses étaient bonnes pour sortir au pub et fêter Noël : la petite
tape dans le dos qui réconforte en fin d’année, le bonus pour les chanceux.
Suis-je encore enivrée par ces nombreux verres de
bières ? Parce que c’est Marie dans la brume en ce moment. Je ne comprends
rien à ce que m’on me dit et vice versa, mon lexique soutenu me fait
cruellement défaut. C’est la pénurie, plus rien dans la cafetière, la famine
linguistique.
J’ai cherché à trouver l’origine et le cheminement de ma
pensée s’est arrêté à Jean-Claude Van Damme ( ?). Du coup, j’ai imaginé
l’intérieur de son cerveau pour voir s’il était comme le mien. Ça doit être
comme un petit laboratoire, un centre névralgique d’éditions de dictionnaires franco-anglais, où
y’auraient pleins de petits rats qui pédaleraient à mort pour qu’il y ait un
peu de lumière là-dedans. Certaines de ces petites bêtes seraient en train de raffiner
de la drogue sous leur blouse et masque blancs au lieu de pédaler comme on leur
a demandé à la tour de contrôle (Jean-Claude). Il y aurait un Jean-Claude qui
ferait des étirements au sol, le petit rat mais de l’Opéra et un autre qui
ferait le grand écart en cuisine, une jambe sur chaque tablard rien que pour
nous. Il y aurait une grande cuisine. En fait, il y aurait pleins de
Jean-Claude et ça ferait un peu flipper – si on est pas Jean-Claude – parce que
ce serait la cacophonie, ils parleraient tous en même temps. Aware. Aware. Aware. Ce serait le bordel, donc y’aurait
un autre J-C qui hurlerait pour couvrir tout ceux qui parleraient le franglais
et du coup, si on s’accorde à dire que c’est un scenario envisageable, cela
expliquerait pourquoi ce qui sort de la bouche de cet homme est incohérent,
inepte et dyslexique. C’est la banqueroute des dictionnaires et la réputation
bouffone de Jean-Claude servie sur un plateau.
Vous avez raté - et vous ne pouvez pas tout avoir non plus -
car vous avez déjà votre Jojo national qui vante les mérites des lunettes Optic
2000 et on vous le laisse, mais
ici en Angleterre, J-C fait une pub pour la bière Coors .
Hyper drôle et tellement bien joué. Derrière : les montagnes enneigées.
Devant : J-C en jean neige (comme derrière) et mocassins noirs. Choisissez
celle qui vous fait le plus marrer, y’en a plusieurs, toutes aussi drôles, ma
préf c’est celle de la larme. Jean-Claude qui se parodie, qui s’abandonne dans
le rôle de sa vie. C’est pas votre Johnny qui aurait les fouilles de faire
ça ! En revanche, nous ne sommes pas en mesure de vous dire s’il a vraiment
compris la blague, mais c’est bon.
Bah, voilà où j’en suis. La peur panique de devenir un
Jean-Claude, une parodie, la moquerie de mes amis. Je ne parle plus le français
aussi bien qu’avant et mon anglais est, et sera toujours, in working process. Je me retrouve dans les
limbes, entre deux contrées, deux langues, perdue dans le maquis où, tel un
Sherlock Holmes à la jambe cassée, je chercherai en vain des traces, des
preuves, qu’un jour, oui un jour, j’ai eu un cerveau et du vocabulaire. Tout a
disparu.
Vous savez qu’il y a certains mots que je n’emploie maintenant
que très rarement (assurément, s’il vous plait, je vais te montrer de quel bois
je me chauffe etc…), non pour faire un effet ou par radinerie mais juste parce
qu’ils ont disparu de mon ordinateur interne. Seule la radio ou les magasines,
me replongent dans une strate plus évoluée, plus recherchée de la langue
française. Celle-ci reste très limitée aux ordres et remontrances que l’on fait
aux enfants. Le reste de ma vie est en anglais. L’autre jour, j’ai lu le
mot « lisse ». Ça m’a fait presque des picotements. Je ne
l’utilise guère plus et ça m’a fait tout drôle de le lire. C’était comme de
retrouver un vieil ami de longue date. Oh mon petit lisse !!!
Alors, qui peut me comprendre ?
Jean-Claude.
Au cours de mes recherches, j’ai vu qu’il avait fait un film
récemment : JCVDM. Malheureusement pour lui, j’ai vu l’émission Striptease il y a quelques années et franchement ça
m’a suffi pour les films sur les Belges. Un vieux monsieur essayait de mettre en route son ordinateur
Tobisha devant un journaliste impassible. J’en ai presque pleuré
tellement, j’avais envie de les aider, lui et sa femme. Alors un film sur J-C qui parle de son
retour en Belgique comme Jean Valjean qui revient de Cayenne? Non, je
risquerai de lui faire un don d’argent.
Ah lala.
Jean-Claude
et moi parlons le franglais parfaitement. Ça m’emmerde hein, mais soudain je
compatis, parce que c’est difficile quand on est fatigué de distinguer les deux
langues au moment de parler. Le cerveau
fait des sélections sans vraiment nous consulter. Des fois, il dit qu’il
est aware. Bah, moi je sais
exactement ce qu’il entend par là, mon mind.
Et Jean-Claude aussi. Ce que je fais souvent au téléphone avec mes potes c’est
“well…you know” quelle conne! Je ne suis pas sûre qu’ils entendent vraiment
(prions ici), ça sonne comme une onomatopée ou une éructation, qu’il m’arrive de temps
à autre, comme Jean-Claude si je me souviens bien, de pratiquer. Mais jamais au
téléphone, malheureux ! Non, vraiment, c’est pas évident.
Au tout
début je faisais vraiment un effort, quitte à parler lentement pour réfléchir à
quel mot choisir. Français ? Anglais ? Quel tiroir ouvrir ?
Maintenant, paresseuse et surtout moins avide de reconnaissance et de respect
de la part des Angliches, ça me passe au-dessus de la pastèque et du coup,
voilou, en un (degré de séparation), je peux être l’amie de Van Damme.
C’est un peu
mon mea culpa aujourd’hui. C’est inévitable d’en arriver là, de dire aware .Prions à nouveau, fort cette fois, pour
que je ne tombe pas dans le ridicule d’ici quelques années à parler français
avec un accent anglais ou, pire, que je sois amnésique de ma vie de Française.
Le remède à cette frustration est l’écriture. Le blog, c’est ici que je peux
m’exprimer librement et, chers lecteurs, c’est une très bonne raison pour ne
jamais m’arrêter. Je revis, je sors de mon carcan pour laisser libre cours à
mes pensée et mes humeurs et même s’il n’y avait personne qui lisait ou que J-C, je n’arrêterai pas. C’est le
seul moment de mes journées où je
parle correctement.
Un grand merci à Antony Huchette que l'on peut retrouver sur son site et son blog et dont le style me parle particulièrement. Merci Antony, je vois que tu as percé à jour, comme moi, le cerveau de Jean-Claude.
www.antonyhuchette.com
www.antonyhuchette.tumblr.com
Et son livre qui sortira cet été aussi Brooklyn Quesadillas
Un grand merci à Antony Huchette que l'on peut retrouver sur son site et son blog et dont le style me parle particulièrement. Merci Antony, je vois que tu as percé à jour, comme moi, le cerveau de Jean-Claude.
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Et son livre qui sortira cet été aussi Brooklyn Quesadillas