Je suis Française, amoureuse d’un Londonien, aïe!
Me voilà donc embarquée dans une vraie histoire, à
distance soit, qui coûtait cher en téléphone et Eurostar soit, mais je m’en
contrefichais, j’étais A-M-O-U-R-E-U-S-E !
Mon amoureux était sous le charme de mon studio, avec
toilettes sur le palier et douche dans la cuisine. Il appelait la boulangère
d’en bas par son petit nom et raffolait des chouquettes du dimanche.
D’ailleurs, quand il venait, c’était toujours avec des viennoiseries et des
miettes de croissants sur son pull. Et les chouquettes ! Je vous jure
qu’il était amoureux de moi, si, si; mais je pense qu’il était aussi
amoureux de la boulangère, des apéros improvisés, de mes amis qui débarquaient
sans prévenir avec vin et saucisson, ou du musée d’Orsay qu’il vénérait et me
forçait à visiter dès qu’on avait un moment.
De mon coté, à chaque fois que j’allais chez lui, j’étais
émerveillée par l’atmosphère cosy de sa ville, de ses pubs aux fauteuils malmenés près
des cheminées et de ces Anglais, tout âge confondu, qui se retrouvaient
religieusement, autour d’une bière.
La bière chez eux, désolée, mais elle était différente. Elle était
meilleure, plus belle. J’avais des envies soudaines d’écrire des poèmes, rien
qu’à regarder les bulles pétiller et leur couleur ambrée. Probablement à la deuxième pinte. J’étais impressionnée par le nombre de restaurants, de
cafés, de cinémas. Les Londoniens sortaient beaucoup plus que nous,
consommaient plus et cette ville s’était adaptée à leurs besoins. Ou l’inverse.
J’ai découvert Jamie Oliver, Gordon Ramsay, la cuisine indienne et ses épices
qui font pleurer, les sunday roasts avec petits pois verts martiens et le Marmite au petit-déjeuner. J’aimais l’énergie et le buzz de cette ville.
J’étais heureuse.
J’avais l’impression que le monde m’appartenait et qu’il fallait juste appuyer
sur un bouton pour atterrir un week-end sur deux dans un nouveau quartier, dans
un nouveau restaurant, une nouvelle ambiance. La diversité m’enivrait et les
clichés aussi. En vraie Française qui se respecte, j’adorais les taxis noirs,
les cabines téléphoniques rouges …et Lady Di. Y’a bien des gens qui aiment
Mylène Farmer.
Pip et moi devions, chacun de notre côté, fantasmer
sérieusement sur la vie de l’autre, trouver exotiques les habitudes de l’autre.
On souffrait de la distance qui nous séparait et des déplacements
professionnels de mon amoureux, mais c’était sans aucun doute la plus belle
année de notre histoire.
Quand je voyais la grande roue, « London Eye »,
cachée entre les immeubles, en arrivant à Waterloo (à l’époque c’était Waterloo, my friends) mon cœur s’affolait. Il me restait cinq minutes pour faire un
raccord maquillage, coiffure, parfum et chewing-gum. Et là, tout se passait au
ralenti. Je descendais du train comme s’il y avait un tapis rouge ; ma
valise en carton se transformait en Vuitton, je marchais comme Kate Moss et
j’attendais Johnny Depp. Enfin, il paraît que mon mec ressemblait plus à Phil
Collins. Okay, c’était les copines de ma mère qui disaient ça. Ça
m’énervait ! Sauf une, qu’avait dit un jour, qu’il ressemblait à David
Beckham. Celle-là, je sais pas d’où elle sortait, ni si elle parlait bien de
mon Pip, mais je l’adorais d’entrée de jeu. Avec son sourire à faire fondre
toutes les mémés de la terre, il méritait largement d’être confondu avec Johnny
Depp. Il était mon Johnny.
Voilà, j’étais toujours sur ce fameux nuage, je faisais
la ronde avec Casimir et Julie, j’étais heureuse comme les enfants le sont.